L’année pour la Famille décidée par les évêques de France sera marquée par une Fête des familles le 9 octobre 2011 — avec les Associations Familiales Catholiques (AFC) — et un Rendez-vous des familles les 27-30 octobre 2011 à Lourdes [1]. Mais c’est au fil de chaque semaine qu’elle prendra sens.
DANS LE CADRE de L’année de la Famille 2011 par la Conférence des évêques de France, s’est tenu, à la mi-décembre à Bordeaux, un congrès sur « La Mission (impossible) du Couple », première de toute une série de rencontres nationales chargées d’analyser la situation conjugale et familiale dans nos sociétés, et de faire des propositions tant en matière de politique familiale civile que de pastorale. Relayées par le tout nouveau « blog des familles » et au travers de nombreuses initiatives locales dans les diocèses, cette année de la Famille portera de véritables fruits si elle a pour but ultime d’adapter la pastorale conjugale et familiale aux enjeux de
la mission de l’Église en ce XXIe siècle, dont l’épicentre est bel et bien l’évangélisation en profondeur de l’amour du couple et de son alliance : le mariage.
Comme le titrait avec un brin de provocation bienvenue le congrès de Bordeaux, « réussir son couple » est effectivement aujourd’hui une mission quasi-impossible ! Sans être docteur en psychologie ou sociologie, nous en savons tous quelque chose : dans notre réseau professionnel, chez nos amis, dans notre propre famille ou au sein même de notre couple, les déchirures, les séparations ou les souffrances conjugales sont monnaie courante. Dans toute l’Europe occidentale, la situation conjugale subit chaque année une vraie « hécatombe » : la durée du mariage en Europe est inférieure à 10 ans ; bientôt un divorce pour deux mariages en France, et plus des deux tiers des couples sérieux qui démarrent leur vie commune aujourd’hui ne finiront pas leur vie ensemble…
Les chrétiens en sont-ils choqués ? Attristés, oui ! Étonnés non ! Jean-Paul II, le premier pape de l’histoire à avoir proposé au monde une si profonde méditation sur le mariage et la sexualité, relevait dans l’Évangile de Matthieu 19 la quasi-impossibilité purement humaine du mariage : devant la vocation universelle des époux dévoilée à la Genèse, face à la réaffirmation par Jésus de leur appel à un amour intense et sans retour, les apôtres constatent, fort dépités, qu’il vaut mieux ne pas se marier ! La réponse de Jésus est très lucide mais ouvre sur une grande espérance pour tous les couples : de manière surprenante, il ne dément pas les propos de ses disciples, il ne les encourage même pas, mais il leur assure qu’un tel appel est réaliste si cela vous est donné.
Et ce don, nous le savons depuis 2000 ans, c’est le Salut du Christ et ce don de l’Esprit répandu en nos coeurs si nous l’accueillons avec foi ; or ce don vivant et efficace, nous l’avons si souvent oublié ou méconnu, parfois même au coeur de l’Église et de nos pastorales.
C’est pourquoi la foi chrétienne — et non pas simplement sa doctrine, ses rites ou ses valeurs généreuses, mais une foi vivante, fervente, incarnée, transformante — est ce don immense et irremplaçable pour les couples afin de mener le bon combat [2], et donc peu à peu réussir son mariage, c’est-à-dire construire et goûter un bonheur conjugal et familial qui traverse et dépasse les inévitables épreuves, se purifie, grandit en intensité et communion.
Croyant s ou non, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, en nous tous sommeille une espérance intérieure : constituer avec son conjoint un couple profondément amoureux, uni dans la communion et le respect, où bonheur et vie commune riment avec « toujours ». C’est là en effet une aspiration universelle, quasi-génétique pourrait-on dire, mais, comme pour les apôtres, cette aspiration profonde se heurte si souvent à une angoisse sourde ou lucide de l’échec du mariage et de la souffrance nourrie par tous ces divorces, séparations, trahisons, déchirures… dont chacun est témoin proche, acteur ou victime. Le don immense que promet Jésus aux couples est donc « la » réponse pertinente aux conjoints pour réaliser leurs aspirations les plus profondes : c’est là une très Bonne Nouvelle pour tous nos contemporains, passagers d’un monde sans espérance, voyageurs égarés, lancés à tout vent de doctrines.
Alors, si possible, lors de cette Année de la Famille au sein de l’Église en France, de grâce ! ne nous noyons pas dans un certain intellectualisme dont la fille aînée de l’Église a parfois le triste secret ! Même si un bref état des lieux est effectivement utile (notamment sur le bilan missionnaire de 40 ans de pastorale de préparation au mariage), ne nous perdons pas dans un flot d’analyses pour ausculter et disserter en tous les sens de la situation conjugale et familiale hexagonale, qui nous ferait oublier l’essentiel : comment annoncer le coeur de l’Évangile du Mariage de manière pertinente, crédible et attractive pour le plus grand nombre ?
Quelles prédications mettre en oeuvre pour que le « kérygme conjugal » soit annoncé, attesté et accueilli ? Comment mieux annoncer que Jésus-Christ vient sauver aujourd’hui le couple, le sexe, le mariage et l’amour des époux ? Combien de jeunes, de conjoints, de divorcés, de veufs nous ont en effet témoigné depuis près de 30 ans de ministère sur ces sujets : « pourquoi m’a-t-on caché ce trésor de vie si longtemps ? », « pourquoi ne m’a-t-on pas dit plus tôt par des mots simples, avec des témoignages que Jésus peut me sauver, sauver mon couple ? ».
Alors que l’Église installe la Nouvelle Évangélisation à l’épicentre de son programme pastoral universel [3], il est opportun que l’Église de France à l’occasion de cette Année de la Famille recherche désormais comment ancrer la pastorale conjugale au coeur de la Nouvelle Évangélisation : ceux qui l’expérimentent depuis des années constatent qu’un tel ancrage est particulièrement fructueux au plan missionnaire et qu’il s’apparente quelque peu à une « bombe pastorale », termes dont un grand ami de Jean-Paul II qualifiait le contenu de ses enseignements si percutants, tant en matière d’amour, sexualité et mariage que d’évangélisation ou de témoignage. Comme l’attestent les choix récents de Benoît XVI, il est temps de changer de braquet missionnaire vu l’urgence des temps et notamment, vu la forte dégradation des situations conjugales et familiales.
En paroisse, en mouvement ou en diocèse, à l’occasion de veillées, blogs, célébrations, pèlerinages, conférences, retraites… approfondissons et expérimentons lors cette année 2011 la puissance salutaire de la révélation chrétienne, en ce sens qu’elle peut conduire concrètement beaucoup de couples au Salut « ici et maintenant » s’ils s’ouvrent à la grâce, la miséricorde, l’amour et à la vie de Dieu.
À cette fin, recueillons et diffusons de nombreux témoignages, donnons la parole à des jeunes, à des couples de tous âges pour qui la rencontre vivante du Christ a été concrètement source d’un renouveau voire d’une renaissance, d’une conversion ou même d’une guérison, d’une prise de conscience radicale dans leur vie affective ou sexuelle, conjugale ou familiale. Alors, comme dans l’Évangile – et avant tout parmi les enfants, premiers bénéficiaires du Salut accueilli par leurs parents – beaucoup se réjouiront et seront émerveillés par l’oeuvre puissante de Dieu aujourd’hui.
Alors cette « Année de la Famille »ne sera pas inutile et portera un réel fruit de bénédiction !
[1] Outre 4 grands colloques : Bordeaux, 11-12 décembre 2010 , autour de la mission du couple (dont il est question dans le présent article — Lille, 26 mars 2011, autour du rôle social de la famille, premier lieu de solidarité — Strasbourg, 14 mai 2011, autour de la mission éducative de la famille — Paris, 1er et 2 octobre 2011 : un colloque à la Cité internationale universitaire clôturera cette série. Une messe sera célébrée à la cathédrale Notre-Dame, le 1er octobre 2011
[2] Cf. les épîtres de Saint Paul
[3] À Rome, création du Conseil pontifical pour la Nouvelle Évangélisation en 2010 et annonce du prochain synode ordinaire sur le sujet en 2012